Martha Wainwright: Bon sang ne saurait mentir

Martha Wainwright: Bon sang ne saurait mentir
by Patrick Gauthier
in Le Journal de Québec, 23 avril 2005
Entrevue

Fille de l'artiste folk Loudon Wainwright III et de Kate McGarrigle, nièce d'Anna et soeur de Rufus, Martha Wainwright a la musique dans le sang, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais avec son premier disque, elle veut prouver que son talent ne tient pas qu'à la génétique.

Quand on fait partie de la grande famille Wainwright-McGarrigle, peut-on faire autre chose que de la musique? C'est la première question posée à Martha Wainwright, rencontrée cette semaine dans un sympathique troquet de la main.

"Faire autre chose? J'aime penser que ce n'est pas que ma famille qui m'a amenée à la musique. Mais la génétique a joué un rôle, c'est sûr", dit la jeune femme.

Pourtant, Martha ne se dirigeait pas vers une carrière en musique. Elle lorgnait plutôt du côté du théâtre. Elle était même inscrite en art dramatique à Concordia quand elle a écrit ses premières chansons.

«J'étais attirée par le théâtre; le théâtre québécois est tellement fort. Puis, j'ai commencé à écrire, ce qui était plus naturel pour moi. Et mes chansons ont commencé à fucker mon acting. Je ne jouais plus de rôles, je jouais toujours moi-même. En entendant mon frère, ça m'a donné le goût de faire de la musique à plein temps», explique-t-elle en s'excusant de son français, pourtant plus convenable que celui de bien des artistes francophones!

Blaguant à moitié, elle dira plus tard durant l'entrevue faire parfois appel à l'actrice sur scène, quand elle ne sent pas une chanson.

«J'essais d'être émotive en concert. Il faut donner un show, non? Il faut parfois trouver une autre façon d'entrer dans une chanson, d'être touchée par elle.»

Rébellion

Quand on lui demande si, comme la plupart des adolescents, elle a voulu se rebeller; faire tout, sauf la même chose que ses parents, elle y va d'un de ses irrésistibles sourires, avant de répondre: «Ma rébellion, c'est quand je chantais du pop commercial, du Cindy Lauper ou du Michael Jackson, cachée dans mon garde-robé!»

Plus sérieusement, elle dit avoir été au contraire très inspirée par sa mère et sa tante, rares femmes «dans un métier d'hommes». D'ailleurs, sa musique n'est pas tellement éloignée de celle que faisaient et font encore Kate et Anna McGarrigle.

«Mes chansons sont un peu d'un autre temps», acquiesce-t-elle. Permettez-nous de rectifier: les chansons de Martha Wainwright sont plutôt intemporelles.

Artiste et femme insécure — il n'y a qu'à lire certains de ses vers —, Martha pense que son album pourrait avoir de la difficulté à connaître un succès de masse à cause du petit côté suranné de sa musique justement, mais surtout à cause de ses textes, souvent choquants.

"Je chante comme je parle: je sacre, je suis grossière! Je cherche à écrire la vérité. Mais nous vivons une période convservatrice. Il y a beaucoup de pudeur en 2005. C'est étrange parce que j'écoutais du music-hall, hier; Yvette Gilbert entre autres, et ces chansons parlent de coming et de fucking. On n'invente rien!"

Montréal, ville ouverte

Assise entre deux cultures, la francophone et l'anglophone, partageant son temps entre deux villes, deux pays, presque deux mondes (Montréal et Brooklyn), Martha Wainwright est à même d'expliquer la richesse et l'effervescence de la scène musicale montréalaise.

"Montréal est une ville de jeunes, où l'on retrouve beaucoup d'étudiants. Tout y est moins cher. C'est une ville où les gens sortent, boivent, fument, dansent. C'est moins corporate, moins business que Toronto, par exemple. Et il y a aussi le chômage (elle dit chômage, mais pense bien-être social), facile à obtenir. Ça attire beaucoup les musiciens."

Elle-même se dit beaucoup plus appréciée du public francophone du Québec.

"Je vais essayer de faire un disque en français. Vu que je parle le français assez fucké, ça pourrait être intéressant", promet-elle.

En attendant ce disque en français, on peut se mettre l'excellent Martha Wainwright sous l'oreille.

Ce disque, la musicienne a pris le temps de le mener à terme.

"Ça m'a pris du temps avant de me mettre à la musique. J'avais besoin de vivre ma vie, repousser celle de ma famille. J'ai mis aussi du temps à faire ce disque. On l'a enregistré à temps perdu, en cherchant un contrat de disque.

"Quand j'y pense aujourd'hui, je sais que j'ai toujours voulu faire ça. Ç'a pris le temps que ç'a pris. I was not so focused, je vivais sur le moment."

Photo Pierre Vidricaire: "La génétique a joué un rôle, c'est sûr, sur mon choix de carrière", dit la jeune femme.

Photo Pierre Vidricaire. Martha Wainwright, fille de Loudon Wainwright III et de Kate McGarrigle, était à Montréal, cette semaine, pour y présenter son premier disque solo.
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Last updated 30 novembre 2006.
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